
Originaire d'Amérique du Sud, le papillon palmivore est devenu depuis quelques années un fléau redoutable pour tous les palmiers du Sud. Voici comment lutter contre le papillon palmivore et ses ravages.
Zoom sur le papillon palmivore
Description du papillon palmivore
Le papillon palmivore (Paysandisia archon), ou sphinx du palmier, est un lépidoptère de la famille des castnidés (Castniidae). Originaire du centre de l'Amérique du Sud, il a été introduit dans le sud de l'Europe à la fin des années 1990 suite à l'importation de palmiers argentins infestés. On le trouve désormais en France sur le pourtour méditerranéen et dans le Sud-Ouest. Sa localisation recouvre à peu près celle du charançon rouge, avec lequel il s'associe souvent pour ravager nos palmiers.
Ce très grand papillon (10 à 11 cm d'envergure) au vol saccadé possède des ailes antérieures marron striées de brun et des ailes postérieures rouge-orangé avec des taches noires et blanches. Immobile, il apparaît marron, difficile à distinguer, mais se colore dès qu'il prend son envol. Vous pouvez alors voir distinctement ses curieuses antennes qui se terminent en massues. La femelle se différencie du mâle par sa plus grande taille et par son organe de ponte qui prolonge son abdomen.
Ce grand papillon diurne se diffuse rapidement car il peut voler de 7 à 10 km. On l'aperçoit surtout en début d'après-midi, de juin à septembre.
Sa chenille blanchâtre ressemble à un gros asticot avec 3 paires de pattes thoraciques et de gros poils sur la face dorsale. La tête est plus foncée, avec de puissantes mandibules. Elle grandit rapidement, jusqu'à atteindre 8 à 10 cm. Elle se transforme ensuite en une chrysalide rougeâtre de 5 à 6 cm, enfermée dans un cocon en soie et en fibres de palmes qui ressemble à un sac de couleur grisâtre.
Les œufs ne mesurent que 4 à 5 mm et ont l'aspect de grains de riz avec 7 nervures.
Cycle biologique du papillon palmivore
Les femelles fécondées créent une cavité à la base des jeunes palmes ou sur le tronc de plusieurs palmiers dans lequel elles déposent une centaine d’œufs par petits paquets.
Au bout d'une dizaine de jours, l'œuf se métamorphose en une petite chenille qui creuse aussitôt des galeries dans le stipe, le tronc du palmier, pour se nourrir de ses tissus végétaux jusqu'à atteindre sa taille définitive. Après quelques mois, devenue nymphe, la chenille élabore un cocon vers l'extérieur d'une galerie. Elle s'y enferme alors pour se transformer en chrysalide et ainsi résister aux températures hivernales.
En quelques mois, et selon la température ambiante, la chrysalide se change en papillon qui ne vit que 2 à 3 semaines, pendant lesquelles ont lieu l'accouplement et la ponte.
Un cycle dure entre 1 et 3 ans environ selon les cas.
Note : les chenilles meurent quand la température se situe en dessous de 5°C alors que les chrysalides résistent davantage au froid (jusqu'à -10°C).
Espèces végétales touchées
À l'instar du charançon rouge, le papillon palmivore s'attaque en France à presque toutes les espèces de palmiers : le palmier des Canaries (Phoenix canariensis), le palmier dattier (Phoenix dactylifera) et le palmier nain (Chamaerops humilis) d'abord, mais aussi les nombreuses autres espèces d'arécacées cultivées chez nous.
Son action néfaste ne se limite pas aux palmiers : il peut aussi ravager d'autres plantes ornementales comme les yuccas, ou encore les céréales comme le maïs.
1. Prévenez l'apparition du papillon palmivore
Pour prévenir l'apparition du papillon palmivore dans vos palmiers, voici quelques mesures à prendre :
- En cas de présence signalée dans les environs, posez des filets contre les papillons pour ensacher la zone apicale du palmier située à son sommet et la protéger des insectes adultes.
- En zone sensible, isolez, lorsque cela vous est possible, les nouveaux palmiers pendant au moins 6 mois avant de les installer à leur place définitive.
- Évitez toute blessure à vos palmiers durant la période possible de vol des papillons adultes. À défaut, protégez immédiatement et soigneusement les plaies avec un baume cicatrisant ou insectifuge.
- Inspectez régulièrement l'aspect de vos palmiers et principalement les palmes pour constater d'éventuelles dégradations.
- Avertissez le plus tôt possible le SRAL (Service régional de l'alimentation) ou votre mairie en cas de symptômes douteux.
2. Diagnostiquez la présence du papillon palmivore
La détection précoce du papillon palmivore est essentielle pour sauver vos palmiers et éviter sa diffusion rapide. En effet, un palmier attaqué et non traité peut mourir en 2 à 4 ans.
Reconnaître le papillon palmivore et ses dégâts
Les dégâts que ce ravageur provoquent sont caractéristiques de ceux des insectes perforateurs du palmier.
En cas d'infestation débutante, vous pouvez observer en premier lieu :
- une perforation en ligne des palmes qui finissent par se dessécher ;
- des orifices de galeries vers le sommet du palmier et de la sciure le long du tronc (marron clair si elle est récente, marron foncé si elle est plus ancienne) formée de fragments de fibres rejetées par les larves qui se nourrissent ;
- parfois, des écoulements de sève.
Ensuite, lorsque les chenilles sont nombreuses et parviennent à atteindre son bourgeon terminal, le palmier dépérit et sa touffe de palme extrême disparaît.
Ces signes, ainsi que la présence du papillon adulte, des larves et des cocons, ne laissent plus de doute sur le responsable des dégâts…
Les ravages provoqués par ce papillon perforateur sont si importants depuis quelques années en France que le ministère de l'Agriculture en a réglementé la lutte avec l’arrêté du 21 juillet 2010.
Mesures préventives : la déclaration obligatoire
Tous les propriétaires – privés ou publics – de palmiers d'ornement ont l'obligation de déclarer la présence du papillon palmivore et de lutter contre sa prolifération. La déclaration se fait auprès de la mairie ou du service du ministère de l’Agriculture en charge de la protection des végétaux sur le département (Service régional de l'alimentation).
Note : cette action est relayée par 6 pays européens et deux pays du Moyen-Orient à travers le programme européen de recherche et de développement Palm protect. Leur but est de lutter contre le papillon palmivore et le charançon rouge du palmier, originaire notamment d'Asie et du Moyen-Orient.
De très nombreuses collectivités locales du Midi de la France directement concernées organisent également des campagnes de sensibilisation et de lutte pour protéger leur patrimoine paysager et enrayer la propagation du papillon palmivore sur leur territoire.
Établissement d'un périmètre de lutte
L'arrêté du 21 juillet 2010 définit le périmètre de lutte et les actions à mettre en œuvre comme suit :
- Dans un périmètre de 100 m autour d'un palmier infesté (zone d’infestation) : obligation de faire intervenir des professionnels agréés par le Service régional de l'alimentation (SRAL) pour un traitement préventif.
Bon à savoir : aucun traitement précis n'est défini réglementairement comme obligatoire. L’arrêté du 5 juin 2009 du ministère de l'Agriculture et de la Pêche recommande l'emploi de micro-granules de spores de Beauveria bassiana en application tous les 15 jours pendant la durée habituelle de vol du papillon, soit 5 applications par saison. Deux autres produits agréés peuvent être utilisés en pulvérisation à la base des palmes et au cœur du stipe : l'imidaclopride (insecticide chimique) et/ou une suspension biologique de Steinernema carpocapsae (petits verts microscopiques).
- Dans un périmètre de 200 m autour de la zone d'infestation : surveillance mensuelle obligatoire des palmiers par des professionnels agréés.
- Dans une zone de 10 km autour de palmiers infestés : inspections trimestrielles.
Note : outre les campagnes de sensibilisation et d'information sur la lutte contre le papillon palmivore et ses contraintes, certaines collectivités proposent des aides aux particuliers propriétaires de palmiers.
3. Faites traiter votre palmier infesté par le papillon palmivore
Les techniques utilisées demandent beaucoup de rigueur dans leur mise en œuvre. En cas d’infection avérée, elles sont obligatoires et doivent être appliquées par des professionnels formés et agréés. Votre mairie ou le SRAL (Service régional de l'alimentation) pourront vous en indiquer la liste.
Barrières physiques
Deux types de barrières physiques ont été testées par les chercheurs de l'INRA (institut national de la recherche agronomique, devenu Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement - INRAE - le 1er janvier 2020) et du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). Les résultats sont plus ou moins probants :
- Application de glu (Biopalm) : la glu empêche la ponte des œufs ou gêne leur développement quand ils sont pondus, ainsi que la mue des chrysalides. Cette technique présente l'inconvénient d'être inaccessible aux particuliers et d'avoir un coût élevé en cas de mise en œuvre par un professionnel agréé
- L'ensachage : c'est l'installation de filets (filets anti-grêle, par exemple), enveloppant les cimes des palmiers. Cette technique bloque l'accès des palmiers aux papillons mais n'est envisageable que sur des jeunes palmiers ou des variétés de petite taille, comme les palmiers nains. En outre, elle est inesthétique. Enfin, si le palmier est déjà infesté, le filet n’empêche en rien les dégâts causés par les chenilles, surtout s'il n'y a pas de traitement simultané.
Méthodes biologiques
Pour tuer les œufs et les larves du papillon palmivore tout en respectant l'environnement, il est possible d’appliquer des suspensions de microgranules de spores de champignons microscopiques tels que Beauveria bassiana ou encore des vers microscopiques, les nématodes (Steinernema carpocapsae).
Selon un arrêté ministériel du 5 juin 2009, la première application de Beauveria bassiana doit avoir lieu dès le repérage des premiers vols de papillon, et renouvelée tous les 15 jours pendant la période habituelle de ces vols. Ce qui correspond à 5 applications pour un cycle de vol.
Note : ces nématodes contaminent aussi les larves du charançon rouge du palmier, souvent présent avec le papillon palmivore.
Cette technique nécessite plusieurs applications annuelles, donc un coût de traitement élevé, et manque d’efficacité durant les périodes de chaleur sèche.
Pièges à phéromones
Les phéromones (hormones sexuelles) émises par les mâles et les kairomones (hormones chimiques) attirent les femelles qui se retrouvent piégées. Cette technique permet de s'assurer de la présence de papillons adultes dès leur arrivée et de mettre en place des moyens de lutte efficaces.
Note : contrairement aux autres espèces de papillons, ce sont les mâles qui émettent les phéromones, d'où l'intérêt de cette technique pour éliminer les femelles.
Traitement avec des insecticides chimiques
Un extrait de l’arrêté ministériel du 5 juin 2009 précise le cadre réglementaire de ces traitements insecticides des parties aériennes de Paysandisia archon, selon la taille, l'espèce de palmier et le nombre de palmes à traiter.
Cette technique devant être obligatoirement appliquée par un professionnel formé et agréé, renseignez-vous auprès de votre mairie ou du SRAL (Service régional de l'alimentation).
Note : ces traitements agissant également sur de nombreux autres insectes pollinisateurs, toutes les inflorescences en cours et à venir l'année suivante doivent être éliminés.
Élimination des palmiers infestés
En cas d'attaque avérée et importante de palmiers, l'abattage puis le brûlage des plants infestés peut représenter la méthode légale la plus efficace à mettre en œuvre.