
Originaire d'Asie du Sud-Est, le charançon du palmier s'est progressivement répandu vers l'ouest depuis une trentaine d'années. Il a été introduit en Europe par l'importation de palmiers infestés du Moyen-Orient où il était présent depuis 1985. Il est rapidement devenu un fléau redoutable pour nos palmiers du Sud de l'Europe. En France, il a été mis en évidence pour la première fois sur la Côte d'Azur en 2006. Depuis, il a essaimé dans toute la région PACA et le Languedoc-Roussillon par suite d'une mauvaise gestion des arbres infestés et de leurs déchets. Il est également présent en Corse et quelques cas ont même été signalés sur les côtes armoricaines.
Voici comment lutter contre le charançon du palmier.
Zoom sur le charançon rouge du palmier
Le charançon du palmier (Rhynchophorus ferrugineux) est un petit insecte volant, coléoptère du genre Rhynchophorus appartenant à la famille des curculionoïdes. Également appelé scarabée des palmiers, il mesure environ 3,5 cm de long sur 1,2 de large. Il est bien visible avec sa couleur orange plus ou moins tachetée de noir. Les femelles ont un rostre plus long et plus cylindrique que celui des mâles. Elles ne possèdent pas de soies aux extrémités et sur les pattes comme les mâles. Les larves de couleur brun clair sont ventrues avec une tête brun foncé.
Le charançon du palmier ne vole que pendant la journée et lorsque la température varie entre 25 °C et 40 °C. Dans ces conditions favorables, il peut parcourir jusqu'à 7 km à partir de son point d'envol. Il ne supporte pas des températures inférieures à 5 °C. Il craint une forte luminosité et se cache pour cela dans les arbres où sa présence n'est pas facile à déceler.
Cycle biologique du charançon rouge du palmier
Le charançon rouge du palmier vit de 2 à 4 mois environ. Les mâles vivent moins longtemps que les femelles.
Pendant toute la durée de sa vie, chaque femelle pond entre 100 et 300 œufs dans les tissus des palmes centrales, dans des blessures du stipe (tronc du palmier), ou dans les jeunes rejets de palmiers-dattiers.
Éclos seulement 2 à 4 jours après la ponte, l'œuf donne une larve jaunâtre qui grandit pendant 1 à 4 mois selon la température ambiante (minimum 15 °C). C'est en juillet-août que cette croissance sera la plus rapide. La larve creuse des galeries et grandit en se nourrissant des tissus vivants du palmier. Elle détruit ainsi le système vasculaire qui permet à la sève de nourrir le palmier.
Elle migre finalement vers la base des palmes ou vers l'extérieur du stipe. Là, elle façonne un cocon en fibres végétales où elle se transformera en insecte adulte au bout de 2 à 3 semaines par temps chaud ou de plusieurs mois en hiver. Elle ne deviendra un insecte volant que lorsque les températures printanières seront suffisantes.
La durée d'un cycle complet de reproduction peut donc varier de 3 à 10 mois. La présence du charançon débute au printemps et s'achève en fin d'automne à des dates variables selon les variations annuelles du climat.
Bon à savoir : les cocons sont facilement visibles et peuvent être éventuellement arrachés, mais tous les stades de développement (œuf, larve, nymphe, insecte adulte) existent simultanément sur un même palmier à un instant donné.
Ampleur du problème et organisation de la lutte
De part ses grandes capacités de déplacement et les très importants ravages provoqués par ses larves qui, sans traitement, sont capables de tuer un palmier en 2 à 5 ans, le charançon rouge du palmier sème littéralement la terreur chez les propriétaires de palmiers d'ornement d'Europe du Sud. En France, le charançon rouge du palmier montre une nette préférence pour le palmier-dattier (Phoenix dactylifera) et le palmier des Canaries (Phoenix canariensis), arbres emblématiques de la Côte d'Azur.
Les dégâts provoqués en quelques années seulement sont si importants que la lutte contre sa présence, réglementée dans notre pays par le ministère de l'Agriculture depuis l’arrêté du 21 juillet 2010, est obligatoire pour tout propriétaire de palmier d'ornement.
Pour la même raison à été initié dès 2012 Palm Protect, un programme de recherche mené par 6 pays européens et 2 pays du Moyen-Orient pour développer des moyens de lutte contre le charançon du palmier et le papillon palmivore (Paysandisia archon) venu, lui, d’Amérique du Sud.
De nombreuses municipalités ont organisé des programmes de lutte pour tenter de sauver ce qui reste de ce patrimoine paysager emblématique de la côte méditerranéenne. Certaines communes, comme Menton, proposent même une aide aux particuliers propriétaires de palmiers pour tenter d'éradiquer ces fléaux.
Bon à savoir : de nombreux travaux de recherche tentent de détecter précocement la présence de ce ravageur avant que sa larve ait eu le temps d'exercer tous ses ravages. Diverses méthodes ont été essayées, comme l'emploi de chiens spécialement dressés ou la mesure de rayonnements infrarouges émis par les larves en se nourrissant, mais elles ne sont pas satisfaisantes. Quant au piégeage des insectes adultes grâce à l'utilisation de phéromones naturelles et d'extraits de blessures de palmiers, il est trop coûteux à mettre en œuvre. Aussi, le programme Palm Protect tente-t-il de mettre au point une odeur synthétique de palmier blessé.
1. Prévenez l'attaque du charançon du palmier
Éviter toute blessure du stipe (ou protégez-le rapidement avec un baume à cicatriser, une pâte insecticide ou un goudron végétal) en période favorable à la présence du charançon. En effet, il est attiré par l'odeur de la plaie, elle constitue une porte d'entrée favorable à la ponte.
Taillez les palmes uniquement en période hivernale froide, lorsqu'il n'y a pas de charançon adulte qui vole.
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2. Diagnostiquez l'apparition du charançon rouge du palmier
Lorsqu'une infestation a eu lieu, elle peut être détectée par simple observation attentive des palmes au sommet du palmier concerné :
- Pour un palmier des Canaries, en cas de ponte dans la frondaison, on peut constater la présence de palmes détériorées (qu'elles soient complètement desséchées ou seulement affaissées, avec des échancrures sur les foliotes ou bien poussant moins que celles qui sont saines ou de façon déformée).
- Pour un palmier dattier (ou toute autre espèce ramifiée), outre les perturbations dans la frondaison, l'attaque des « troncs » en croissance jusque vers 1,5 m de haut est plus fréquente, avec la présence marquée de rejet de déchets de fibre à l'extérieur du stipe.
L'allure générale de la frondaison présente une asymétrie avec présence de « trous ». Il convient alors de rechercher directement dans la frondaison, à l'aisselle des palmes, la présence éventuelle de cocons, de charançons, de dépôts de déchets de fibres ou des trois à la fois, qui confirmerait l'infestation.
On peut également observer la présence de galeries dans des coupes de palmes.
Si l'infestation a commencé au niveau du « tronc », on observe simplement des déchets de fibres accumulés à l'extérieur du stipe et/ou des suintements au niveau des points d'attaque ainsi que la présence éventuelle de cocons.
3. Déclarez la présence du charançon à la mairie
En cas de présence avérée ou seulement de soupçon de présence du charançon sur l'un de vos arbres, vous avez l'obligation de le déclarer à la mairie de votre commune ou au service départemental de la protection des végétaux, qui organisera une lutte collective contre ce ravageur. La collectivité locale ou l'administration départementale déterminera alors un périmètre de lutte où seuls des professionnels agréés pourront intervenir :
- Dans un rayon de 100 mètres autour de cet emplacement, considéré comme zone contaminée, tous les propriétaires de palmiers devront faire traiter préventivement leurs arbres puis les faire surveiller visuellement une fois par mois. Si leurs arbres sont découverts également infestés, ils devront être traités et assainis par la taille lorsque c'est encore possible, ou bien abattus. Les déchets végétaux seront alors soigneusement éliminés après avoir été obligatoirement traités (palmes et/ou stipe) par deux insecticides agréés (injection d'emamectine dans le stipe (endothérapie), et pulvérisation d'imidaclopride sur les parties aériennes).
- Dans un rayon de 100 mètres autour de la zone contaminée sera établie une zone de sécurité où le dépistage visuel mensuel sera complété par la mise en place de pièges.
- Enfin, dans un large rayon de 10 km autour de la zone de sécurité sera instaurée une zone tampon avec tout un réseau de piégeage et une surveillance visuelle régulière de tous les palmiers.
4. Utilisez les services d'un professionnel pour traiter un palmier infesté
Le traitement autorisé, à l'efficacité certaine et d'un coût raisonnable pour un particulier en cas d'infestation prouvée, est l'endothérapie. Il s'agit d'une injection d'insecticide (le benzoate d'emamectine) réalisée 1 fois par an, au printemps ou à l'automne, dans le stipe. Elle permet de sauver un palmier faiblement infesté et de protéger efficacement ceux qui sont encore indemnes mais menacés. Cet insecticide ne se répand pas hors du palmier, ce qui limite considérablement le risque environnemental.
Bon à savoir : historiquement, plusieurs méthodes de traitement ont été utilisées pour tenter d'éviter l'emploi de pesticides, notamment une lutte biologique utilisant des cultures de petits nématodes (des vers minuscules) qui sont des parasites des larves du charançon. Mais elle est inefficace durant les mois d'été et le coût du traitement, à renouveler plusieurs fois par an, est important.
Il est obligatoire d'utiliser les services d'un professionnel agréé. Vous n'avez pas le droit de pratiquer vous-même le traitement. Deux cas peuvent se présenter :
- Le bourgeon terminal est attaqué : dans ce cas, votre palmier ne pourra plus se développer. Il n'y a pas d'autre solution que de le faire abattre par un professionnel agréé qui devra respecter scrupuleusement le protocole réglementaire obligatoire d'abattage et d'élimination des déchets.
- Le bourgeon apical est indemne : dans ce cas, votre palmier peut être conservé après avoir été assaini par un professionnel agréé qui éliminera les parties atteintes et réalisera l'endothérapie. Une fois assaini, le palmier devra être traité régulièrement de façon identique aux autres palmiers sains de la zone contaminée.
Note : les collectivités locales, pour essayer de diminuer l'usage de pesticides, pratiquent parfois les 2 traitements préventivement (pulvérisation de nématodes et d'imidaclopride) en les alternant.